Représentation et exemples de mise en application d’une pratique parfois marginale et/ou peu répandue.
Malheureusement souvent associées à une notion de performance, les disciplines martiales qui se rejoignent dans le dépassement de soi ont du mal à se développer dans le cadre et le domaine du handicap. C’est pourtant là que le dépassement de soi peut trouver sa place et prendre toute sa dimension spirituelle.
La personne en situation de handicap qui, dès lors qu’elle entre dans un Dojo, devient un pratiquant avec la singularité de son handicap, devra et pourra dépasser ses limites et aller bien au-delà des problématiques liées à son ou ses handicaps.
Approfondissons maintenant ensemble ce sujet où seule l’implication du pratiquant devrait compter… Aujourd’hui toutes les fédérations comme la FFJDA, la FFKDA, la FFAAA, la FFBoxe, la FFTDA et bien d’autres ont appliqué la Loi du 11 février 2005 sur la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi insiste sur l’obligation de favori-ser l’intégration des personnes handicapées dans les divers secteurs d’activités de la vie en société.
Avec nos 5 disciplines au sein du Comité National de Kendo et Disciplines rattachées, une nécessité d’ouverture à l’accueil aux personnes porteuses de handicap a vu le jour il y a 5 ans. Dans le cadre du sport pour tous, une forma-tion spécialement dédiée aux enseignants a été créée, afin qu’ils puissent acquérir une compétence supplémentaire à la transmission spécifique auprès de futurs pratiquants en situation de handicap. C’est alors qu’a été pensé et mis en place le fameux CAE-PSH « Certificat d’Aptitude à l’Enseignement auprès de Pratiquants en Situation de Handicap ». Depuis ce jour, 60 enseignants (es) de toutes les disciplines et de toutes les régions de France ont pu suivre cette formation et obtenir ce certificat. Dans ce contexte de développement, nous pouvons dire que dans chaque discipline, nous avons un pratiquant en situation de handicap qui progresse.
Bien que jeune de 50 ans, le Chanbara est la discipline qui se détache le plus par le nombre d’élèves concernés. Elle est en effet particulièrement adaptée par son coté ludique très modulable à tous les niveaux. Ils sont aujourd’hui près de 60 licenciés en situation de handicap, majoritairement en région parisienne.
Deux exemples de mise en application
Dans le cadre d’une adaptation technique au niveau national, cette démarche a été proposée pour la pratique du Chanbara : depuis 3 ans, une coupe de France technique a été créée afin de permettre à quelques pratiquants Kenshi Chanbara porteurs de handicap de montrer leur progression et de surmonter leurs craintes. Cette idée est venue en 2016 lors d’une démonstration à l’occasion de la coupe d’Europe à Maisons Laffitte (78).
En 2021 nous avons organisé un Open Île de France Para Chanbara en visio-conférence où 32 pratiquants (en fauteuil, mal marchant) se sont prêtés à l’exercice en présentant des Kata et Kihon devant un jury composé de hauts gradés, de membres de l’équipe de France, d’enseignants et d’un jury de Finlande. La preuve que malgré ces temps de confinement et de consignes sanitaires strictes, des rencontres se sont organisées et ont remporté un véritable succès. Deux pratiquants porteurs de greffons ont ainsi démontré lors de cet Open que leur discipline n’est pas une difficulté pour leur santé.
Problématiques rencontrées et enrichissement personnel
Il convient de noter qu’il est très compliqué d’uniformiser les situations et les profils, notamment en ce qui concerne l’approche du sabre dans un contexte martial pour les pratiquants en situation de handicap et quel qu’en soit l’état de gravité. Cependant, une réflexion approfondie doit permettre d’identifier des profils de handicaps ainsi que les solutions concrètes. La mise en place de la progression technique avec les passages de grade peut être proposée mais nécessite pour l’enseignant un investissement particulier. Celle-ci ne peut être que bénéfique à l’ensemble des acteurs car elle les fera évoluer d’une façon générale.
Si l’intégration de pratiquants handicapés dans un cours de sabre d’une de nos disciplines nécessite un investissement des différents acteurs (accessibilité, formation des enseignants et des jurys), elle n’en demeure pas moins un moyen d’évolution technique, pédagogique et humain de tous. Il est important, en effet, que cette évolution puisse apporter un plus pour tous les acteurs. Cette réflexion est riche en approfondissement et recherche l’efficacité, en permettant même à tous les pratiquants valides d’améliorer leur propre pratique et compréhension par le « Mitori geiko » (s’exercer en observant). Si un seul des partenaires est « perdant », le travail proposé sera rapidement un échec.
Les adaptations techniques du programme pédagogique spécifique aux personnes vivant un handicap sont toujours en évolution, oui, car le handicap vieillit et l’élève aussi et, avec un programme totalement adapté, nous pouvons aider à mieux lui faire vivre cette étape et lui faire gagner sont autonomie le plus longtemps possible. Cette étude a par ailleurs déjà donné des satisfactions car l’axe principal du programme pédagogique proposé par l’association ODAAS (Objectif Diversification Autour d’Actions de Sensibilisation), qui travaille avec le CNKDR et sa Commission Handicap est ainsi largement étudié et centré sur tous les types de handicaps qu’il soit sur les déficiences sensorielles, physiques, cognitives, psychologiques voire psychiatriques ou dues à l’âge. Les encadrants des structures de vie, psychiatres, médecins, éducateurs spécialisés, aides soignants confirment qu’il y a un avant la pratique et un après, qui est bénéfique pour tous et qui se caractérise par une autonomie dans les gestes de tous les jours, un mieux être dans sa tête. Le pratiquant s’épanouît ainsi en se fixant des objectifs d’évolutions, de compétitions d’amour propre et de reconnaissance à travers les yeux des autres.
Pour ce qui est des personnes qui ont suivi la formation CAE-PSH, les bénéfices sont multiples :
- les apports pédagogiques et ludiques permettent une vraie compréhension de la mise en situation avec des pratiquants en situation de handicap et allègent le degré de pénibilité de réalisation des exercices ;
- les exercices présentent des objectifs à atteindre et ne restreignent pas le travail à la seule recherche d’adaptation au handicap ;
- une ouverture sur les autres est clairement enregistrée avec notamment l’ouverture à l’écoute et au dialogue ;
- le questionnement sur les techniques et le fait de les partager avec d’autres publics peut ouvrir à une progression dans la pratique personnelle.
Pour les familles des personnes en situation de handicap, le constat de l’investissement de nos pratiquants en situation de handicap par la réalisation effective des exercices est un moteur de renforcement de la cohésion sociale et familiale. De plus, au-delà des problématiques liées au handicap lui-même, les familles assistent véritablement :
- à une situation de réalisation du SOI,
- à une situation d’acceptation et d’inclusion,
- à une autonomie qui se retrouve ou s’accroît.
En conclusion, si le kendo et les disciplines associées semblent parfois éloignés des pratiques sportives classiques, s’ils peuvent donner une image d’élitisme ou d’activité réservée à des passionnés, leur ouverture au monde du handicap prouve qu’il n’en est rien. Au contraire, en tant qu’arts martiaux, les valeurs de respect, d’inclusion, de prospérité mutuelle ou de dépassement de soi prennent tout leur sens dans l’accueil des pratiquants en situation de handicap et font grandir tous les pratiquants, quels qu’ils soient. Il ne s’agit donc pas seulement d’un enjeu social, financier ou même légal, mais bel et bien d’un enjeu personnel, qu’on soit en situation de handicap ou pas.